Diacétyle et e-liquide
La présence de diacétyle dans certains e-liquides a enflammé la toile ces derniers mois. La presse a relayé en masse l’information, et les internautes ont été nombreux à manifester leur inquiétude. Qu’est-ce que le diacétyle ? Faut-il s’en méfier ? Doit-on arrêter de vapoter ?
Qu’est-ce que le diactéyle ?
De structure C4H602, le diacétyle est nommé butanedione ou 2,3-butanedione par la nomenclature de l’Union Internationale de Chimie Pure et Appliquée. C’est un produit chimique qui survient suite à certains procédés de fermentation. Ce qui explique qu’il soit présent dans des produits fermentés comme la bière, le vin et certains produits laitiers. Les arômes alimentaires en contiennent également, ce qui ne pose aucun souci étant donné qu’ils sont ingérés. Le diactéyle est effectivement autorisé dans le secteur alimentaire, car il ne constitue aucun risque en cas d’ingestion. Là où le bât blesse c’est lors de l’inhalation. Le diacétyle n’est pas prévu pour être aspiré et est nocif pour les poumons. C’est le nerf de l’inquiétude de nombreux vapoteurs. Avaler n’est pas inhaler, et l’estomac et le poumon sont deux organes différents, qui n’intègrent donc pas le produit de la même façon. Faut-il s’inquiéter de la présence de diacétyle dans certains e-liquides ? A hauteur de cet article, nous pouvons répondre oui, mais inciter sur le « CERTAINS e-liquides ».
Le diacétyle : une histoire pas si nouvelle
Les premières préoccupations concernant le diacétyle dans les e-liquides remontent à 2010. Dès les débuts de la vape, la substance a éveillé les soupçons. Il faut dire que le diacétyle est un produit chimique lourd d’histoire. Au début des années 2000 des études ont démontré son implication dans une maladie pulmonaire potentiellement mortelle : la bronchiolite oblitérante.
La maladie détruit les bronchioles et conduit à un affaiblissement des capacités respiratoires. Ce trouble est connu aux Etats-Unis sous le nom de « popcorn workers lung » en raison du développement de la maladie chez les travailleurs dans les usines de pop-corn. Les pop-corn étant dotés de cet arôme, inhalé par les personnes sur place lors de la production.
Contrairement au système digestif, capable donc d’ingérer le diacétyle, le système respiratoire est dépourvu d’enzymes puissantes et de métabolismes de détoxification. Ce qui signifie que les produits alimentaires contenant du diacétyle deviennent dangereux lors de l’inhalation. En principe du moins. En 2007 l’IUTA, fédération internationale de syndicats représentant des travailleurs des secteurs de l’agro-alimentaire, des services hôteliers et de la transformation du tabac, mettait l’accent sur la différence entre diacétyle synthétique et diacétyle naturel (issu donc de la fermentation). L’organisation précisait que l’utilisation de la substance synthétique pourrait engendrer des risques pour la santé. Le diacétyle est très utilisé par l’industrie alimentaire pour donner le gout « beurre ». Il représente un risque pour les travailleurs car il peut facilement être respiré dans les usines utilisant le composé.
Diacétyle : des craintes confirmées dans l’industrie alimentaire
En 2006 l’inquiétude concernant l’inhalation du diacétyle est confirmée. Il faudra pourtant attendre 2014 pour que la crainte touche les e-liquides. Le lien entre l’utilisation des arômes de qualité alimentaire dans les e-liquides a tardé à être établi et a en partie été révélé par un célèbre chercheur : le docteur Farsalinos.
Le Professeur Farsalinos est très actif dans le domaine de la cigarette électronique, il est à l’origine de nombreuses études, dont l’une est relative à la présence de diacétyle dans les e-liquides. Sur les liquides testés lors de l’enquête (portant sur 159 échantillons, issus de 36 fabricants de 6 pays), 74,2% contenaient du diacétyle ou de l’acétyle propionyle, une autre substance incriminée très ressemblante au diacétyle.
Konstantinos Farsalinos a été l’un des premiers à s’intéresser au phénomène, et a rapidement qualifié la présence des deux substances comme un « risque évitable ». Interpellant ainsi les fabricants sur la possibilité d’utiliser d’autres process de fabrication moins risqués, et plus en adéquation avec les limites d’exposition en vigueur.
Un fait tout relatif, car les normes émises par NIOSH sur lesquelles s’est basé le chercheur concernaient le milieu du travail. Les valeurs supposées prenaient en compte le rythme de ventilation d’un ouvrier, et la concentration dans l’air du produit. Un calcul qu’il est difficile de transposer au vapotage.
Une étude qui a le mérite d’avoir pointé du doigt le problème, mais qui n’a pas pour autant révolutionné les méthodes de production.
Diacétyle dans les e-liquides : la tendance des saveurs gourmandes
Si les modes de fabrication n’ont pas été révolutionnés, c’est car les saveurs gourmandes sont plébiscitées par les vapoteurs. Plusieurs fabricants ont fait tester leurs e-liquides afin de vérifier les taux de concentration. Mais bien souvent les liquides les plus populaires et vendus étaient incriminés. Que faire alors ? Satisfaire la demande en prenant un risque sanitaire, ou limiter les ventes ? Vendre ou interdire ? Un débat éthique teinté d’objectifs de vente, qui a trouvé sa solution aujourd’hui. Les revendeurs affichent une autre stratégie : celle de la revendication de l’absence de diacétyle.
Certaines associations n’ont par ailleurs pas attendu pour réagir, comme l'association des professionnels de la cigarette électronique canadienne ECTA, qui a dès juillet 2015 demandé à ce que des échantillons soient testés sous les six mois, avec pour but de déterminer la nature chimique des e-liquides vendus.
Mais la question pour le fabricant est complexe, car la présence du diacétyle est souvent issue des arômes. Une partie de la chaîne de production sur laquelle le professionnel ne peut pas forcément intervenir. Car si un producteur d’e-liquide est capable de garantir la qualité du propylène glycol ou de la glycérine végétale, la question est plus complexe lorsqu’on parle d’arômes concentrés. Pour savoir si les arômes concentrés contiennent ces substances, il faudrait une totale transparence de la part du fabricant initial. Ce qui ne semble pas être toujours le cas.
Seule solution alors : tester les produits. Sauf que là encore la multitude d’échantillons rend l’expérience malaisée. En théorie, un producteur français pourrait tester tous ses arômes en laboratoire indépendant, ou investir dans un spectromètre. Mais les coûts de fabrication s’en ressentiraient, et seraient probablement impactés au produit final. Face à ces difficultés, certains fabricants ont choisi d’établir une liste d’arômes à proscrire.
Diacétyle : qu’en pense la FIVAPE?
Macigarette.fr a interrogé la FIVAPE au sujet du diacétyle, la fédération interprofessionnelle de la vape faisant figure de référence sur les sujets concernant la cigarette électronique. Charly Pairaud, Vice-président de la Fivape, et Xavier Martzel, Secrétaire Général ont ainsi affirmé que la cigarette électronique ne doit pas être à 100% inoffensive, mais tendre vers un idéal d’innocuité. La vape s’est construite en opposition au tabagisme, et doit constituer une réduction des risques par rapport au tabac. Le vapotage doit donc garder un objectif sécuritaire, et par conséquent s’adapter aux avancées scientifiques.
Quant à la question du diacétyle, pour la FIVAPE c’est assurément une normalisation qui réglera le problème. Avec l’application des normes AFNOR, avec une législation précise sur les taux acceptables, la question du diacétyle pourrait être solutionnée. La norme XP D-90-300 précise déjà les taux. Basée sur les récentes études, elle suggère un taux maximal de diacétyle de 22 ppm.
Diacétyle : faut-il arrêter de vapoter ?
Non. Il faut par contre peut être se méfier des e-liquides à la saveur crémeuse. Le diacétyle synthétisant le goût beurré, la concentration a bien plus de chance d’être importante dans ces flacons. Rappelons encore une fois qu’il s’agit bien des e-liquides utilisant des arômes contenant du diacétyle qui sont incriminés, pas tous les e-liquides présents sur le marché. Peut-être faut-il également pousser la recherche sur la composition des produits. Seul l’acte d’information peut attester de la qualité d’un produit, quel qu’il soit. En attendant une réglementation globale, en visant une législation universelle, privilégier les produits originaires de pays sensibles à ces questions, ou ayant déjà normalisé les taux est une bonne stratégie de protection.
Une chose est sûre, une forte concentration de diacétyle dans les e-liquides présente une menace pour l’organisme. Pouvoirs publics, associations professionnelles et de plus en plus de fabricants en ont conscience et oeuvrent à la réduction de ce risque dans les e-liquides. La norme Afnor susnommée en est l’exemple, prouvant que la production made in France tend à la sécurisation des liquides d'e-cigarette. La crainte des utilisateurs est justifiée, mais ne pourra être atténuée que par l’information. Par la compréhension des risques sanitaires, et par un choix de consommation avisé.
La cigarette électronique et tous les procédés du domaine de la vape sont récents, il est donc naturel que les études pointent du doigt certains modes de production. Il n’en demeure pas moins qu’elle reste moins nocive que le tabac, et que le risque diacétyle peut être maitrisé. Faut-il arrêter de vapoter ? Si cela permet de se sevrer du tabagisme non. Vapoter avisé par contre est un choix qui appartient à chaque vapoteur.